Naissance, le 22 Janvier 1870 à Bordeaux, de Charles Arnould Tournemire, fils d’un employé de commerce. Après des études dans sa ville natale, il arrive à Paris en 1886 et entre l’année suivante au Conservatoire de Musique (classes de Taudou et Bériot) puis dans la classe d’orgue de César Franck. Trois cours par semaine - plus la "leçon particulière" - durant deux années permettent à l'élève "de retenir de ce lumineux enseignement le maximum de réceptivité dont un jeune cerveau est capable." Toute sa vie, il restera marqué et indéfectiblement attaché à son maître, et cet attachement (nous dit Louis Vierne) était réciproque : "Quand Franck rencontrait parmi ses élèves une nature indépendante, un vrai tempérament, non seulement il ne faisait rien pour en comprimer l’expansion, mais il était ravi. Aussi aimait-il beaucoup Tournemire." Le jeune homme, extrêmement brillant, décroche son premier accessit d’orgue en 1890, puis le premier Prix sous la direction de Widor en 1891. |
Organiste de Saint-Médard puis de Saint-Nicolas du Chardonnet en 1897, il est nommé à l’orgue de Franck en avril 1898 en remplacement de Gabriel Pierné. Il y restera jusqu’à sa mort, prenant soin d’effectuer la réfection et la diversification de l’instrument, qui seront achevées en 1933. Ses compositions, ses improvisations mémorables, sa "personnalité puissante" marqueront toute une génération de grands organistes (Bonnet, Fleury, Langlais, Litaize ou Ermend Bonnal). L'homme avait aussi le sens de la réplique et l'anecdote, racontée par André Fleury dans les Cahiers et Mémoires de l'Orgue, est assez savoureuse : "A la tribune de Sainte-Clotilde, très exiguë comme chacun sait, un invité, parlant quant il improvisait, après avoir subi un regard terrible, s'entendit dire : "Je vous gêne, peut-être" d'un ton qui lui a ôté l'envie de continuer." |
Avec le nouveau siècle, Tournemire écrit ses premières œuvres pour orchestre où percent déjà sa maîtrise et son originalité. En 1903, il épouse Alice Taylor et Le Sang de la Sirène, légende musicale, obtient l’année suivante le Grand Prix de la ville de Paris. Ses compositions pour orgue trouvent un premier aboutissement en 1910 avec le Triple Choral dédié "à la mémoire de [son] maître vénéré César Franck", mais c’est son œuvre orchestrale qui domine cette période. Huit grandes symphonies, superbement orchestrées et d’une merveilleuse atmosphère, en font l’un des meilleurs symphonistes français. La mort de sa femme, en 1919, met un terme à cette production. |
En 1921, il est nommé professeur de la classe d’ensemble du Conservatoire de Paris. S’il laissa dans le domaine de la musique de chambre des pièces tout à fait remarquables, les années 20 sont celles des grands opéras : création de Chryséis ou Les Dieux sont morts, composition de La Légende de Tristan (voir tableaux des uvres) et, dans un genre inclassable, celle de la trilogie Faust, Don Quichotte, Saint François d’Assise. On brûle de pouvoir entendre ces uvres ambitieuses, car la magnificence de sa production révélée font pressentir des chefs-d'uvre absolument prodigieux. |
1927 voit la naissance d’une des entreprises les plus ambitieuses de l’histoire de l’Art : 51 offices pour l’année liturgique, baptisés L’Orgue Mystique, où s’affirment toute l’originalité d’un langage féerique et grandiose. Ce monument à la gloire de l’Orgue et à la gloire de Dieu est achevé en 1932. Dans le même temps, Tournemire écrit un livre sur César Franck, qui est un peu la transposition littéraire de son style musical. Il s'agit d'une véritable hagiographie (ce qui n'était pas le cas de l'ouvrage de d'Indy), mystique, forte et généreuse, terriblement attachante, et d'un style littéraire d'une incroyable qualité. |
Tournemire écrira pour l'orgue jusqu’à la fin de sa vie, tout en laissant de formidables oratorios comme l’Apocalypse de Saint Jean ou La Douloureuse Passion du Xrist. Quant au Petit Pauvre d’Assise, son dernier ouvrage lyrique, on y découvre une orchestration fragmentée tout simplement révolutionnaire. Il meurt le 4 novembre 1939 à Arcachon, noyé dans des circonstances mystérieuses : nul doute que son âme, à l'instar des improvisations de son maître, fut "recueillie par la hiérarchie des anges." |