César Auguste Franck naît à Liège le 10 décembre 1822, et les deux prénoms donnés par un père "dur, rigide, volontaire et tenace" disent assez l'ambition de celui-ci pour son fils. Devant les énormes succès d'un Franz Liszt, Nicolas-Joseph Franck décide de faire de ses deux garçons des pianistes virtuoses. César fait alors ses études au Conservatoire de Liège, puis devient l'élève d'Antoine Reicha, un des maîtres de Berlioz, et entre enfin en 1837 au Conservatoire de Paris (classes de Leborne et Zimmermann, puis Benoist à l'orgue). Il y obtient de nombreux prix - dont un "Grand Prix d'Honneur" jamais décerné - mais doit quitter l'établissement sur ordre paternel afin de se produire (en compagnie de son frère Joseph) dans d'innombrables concerts, à Paris comme à Bruxelles, Liège ou Aix-la-Chapelle. Cela n'empêche pourtant pas le jeune musicien de faire preuve - dans deux compositions au moins - d'innovations formelles tout à fait remarquables. Le premier Trio concertant, en effet, utilise pour la première fois le procédé cyclique que le musicien enseignera plus tard, et l'œuvre orchestrale Ce qu'on entend sur la Montagne (1846) est tout simplement le premier poème symphonique de l'histoire.

 

En pleine insurrection de 1848, Franck se marie avec Félicité Desmousseaux et rompt définitivement avec l'emprise paternelle. Il donne alors des leçons dans différents collèges parisiens, puis (en 1857) quitte son poste d'organiste de Saint-Jean-Saint-François du Marais, pour le nouvel orgue Cavaillé-Coll de l'église Sainte-Clotilde. Après la violente lumière des années de jeunesse, l'ombre des églises et le mystère des grands orgues mûrissent et élèvent la pensée du compositeur. Les six pièces d'orgue (1860-64) en témoignent - en particulier la Prière et Prélude, fugue et variation - tout comme Rédemption (1872-73) et Les Béatitudes (1869-79), qui demeurent ses plus grandes compositions religieuses.

 

Au lendemain de la fondation de la Société Nationale de Musique, dont il fut l'un des fondateurs, César Franck est nommé professeur d'orgue du Conservatoire de Paris (1872). Fondant son enseignement sur l'improvisation, qui est un art de la construction et du développement, le musicien fait rapidement de sa classe une véritable classe de composition, et donne chez lui de nombreux cours particuliers. Une complicité puis une vraie communion s'installent alors entre le professeur et une incomparable génération de jeunes musiciens français. "Le Père Franck ? - disait Charles Bordes - Il a été formé par ses élèves !" Et cette influence réciproque fut bien bénéfique à l'auteur du Quintette, il suffit pour s'en convaincre de consulter le prodigieux catalogue des dix dernières années. Toutes les formes de la musique y sont représentées : le piano, la musique de chambre, la mélodie, la symphonie, le poème symphonique, l'opéra, l'oratorio, l'orgue, et à chaque fois c'est un puissant chef d'œuvre qui jaillit de sa plume. César Franck meurt peu après la composition des Trois Chorals pour orgue, que d'aucuns considèrent comme son testament artistique, le 8 novembre 1890. "Mes enfants, mes pauvres enfants..." seront ses dernières paroles.

 

Ouvrons, pour conclure, la biographie qu'a laissée Tournemire : "Le mal était inconnu de vous..." Sans refermer le livre, écoutons la musique de Franck : les sublimes pages de Rédemption ou des Béatitudes sont bien les chœurs des anges ou la douce voix du Christ, et non pas ces chœurs terrestres qui lui semblent étrangers. Et les Trois Chorals, et le Quatuor tout entier ne le montrent-ils pas dans son "incommensurable bonté" ? Nous pouvons à présent continuer la lecture : "s'il vivait pour l'art transcendant, il savait néanmoins se pencher sur la vie de ceux qui venaient à lui. Il possédait, à un degré éminent, l'intelligence du cœur."