ésar Franck fut le père spirituel d'une incomparable génération de compositeurs français. Si l'homme était d'une bonté, d'une candeur touchantes, c'était un professeur exigeant, ayant de son art la vision la plus haute. Et son œuvre reflète bien cette double dimension, musique à la fois sincère et d'une grande cohérence intellectuelle. Peu de musiciens ont su, comme lui, faire chanter les anges et les témoignages de ses élèves se recoupent sur ce point : il fut bien le "Pater Seraphicus", ce "musicien séraphique" (Tournemire), cet "apôtre" (Vierne), cette "figure séraphique" (d'Indy). Même si, depuis Léon Vallas, on cherche à détruire ce mythe prétendument nocif, il n'est pas interdit de préférer l'avis et l'action des puissants artistes qui l'ont connu.
Franck considérait Henri Duparc - à qui il dédia sa Symphonie - comme "le mieux doué" de ses élèves, écrivit sur un poème de Guy Ropartz (Soleil), dédia la merveilleuse Psyché à Vincent d'Indy, appréciait beaucoup les jeunes Louis Vierne et Charles Tournemire. Il fut le père indispensable à l'éclosion d'une grande école, et c'est par l'exemple, autant que par la théorie, qu'il exerça cette influence. Voici comment Louis Vierne relate l'impression que produisit sur son âme d'enfant les harmonies célestes de l'orgue de Sainte-Clotilde : "Alors se leva en moi l'obscur pressentiment du but réel de la musique. Je ne pus l'exprimer en des termes précis, mais, quand mon oncle me demanda ce que j'avais ressenti, ce que cela m'avait fait : C'est beau parce que c'est beau ; je ne sais pas pourquoi, mais c'est si beau que je voudrais en faire autant et mourir tout de suite après...".